Le déclin de la notion de faute lourde en droit administratif français

Née de la jurisprudence, rarement consacrée par les textes de loi, la notion de faute lourde n’a cessé de voir son champ d’application se réduire. D’ailleurs, ce déclin s’est considérablement accéléré au cours des dernières décennies. En effet, désormais, dans les domaines où le juge avait recours à la faute lourde, on retrouve l’application de la faute simple. Beaucoup jugent que ce changement est tributaire de la mutation générale du droit de la responsabilité administrative.

L’abandon de la faute lourde dans la plupart des secteurs du droit de la responsabilité administrative

L’action s’est faite de manière partielle ou totale dans la plupart des secteurs administratifs français. En effet, beaucoup ont cédé  à l’abandon de l’exigence d’une faute lourde pour que soit engagée la responsabilité de l’administration dans les contentieux indemnitaires. En matière d’activités juridiques relatives à la police administrative par exemple, l’exigence de la preuve d’une faute lourde a été abandonnée dès 1942. Même cas pour l’engagement de la responsabilité des services fiscaux, qui nécessitait initialement la preuve d’une faute lourde. Aujourd’hui, les opérations matérielles  ne nécessitent plus une telle démarche. Plus récemment, trois autres domaines ont été frappés de manière générale par cet abandon. Il s’agit tout d’abord du secteur de la santé que l’on retrouve dans l’arrêt Epoux V. du Conseil d’Etat, en date du 10 avril 1992. Par cet arrêt, le conseil d’Etat a mis fin à la distinction entre l’organisation et le fonctionnement du service sanitaire, d’une part et pour lesquels une faute simple suffisait et les actes médicaux proprement dits d’autre part, qui pour engager les établissements hospitaliers nécessitaient la preuve d’une faute lourde. Il y eut ensuite le déclin de l’application de la faute lourde dans l’activité de contrôle opérée par l’administration. Enfin, on reconnaît la disparition de la faute lourde dans l’ensemble des activités de secours. Désormais, la responsabilité engagée dans ce domaine se fait uniquement à raison d’une faute simple.

La cause du déclin de la faute lourde

Malgré son apparence systématique, la disparition de l’exigence de la faute lourde entant qu’élément générateur de responsabilité de l’administration, il s’agit en fait d’un mouvement juridique de fond relatif à l’évolution du droit de la responsabilité. L’abandon progressif de la notion de faute lourde fait en effet suite à la déperdition de la notion de faite manifeste et d’une particulière gravité. Le phénomène s’inscrit par ailleurs dans un mouvement de société. Ainsi, cette évolution jurisprudentielle visait deux objectifs. Il fallait tout d’abord prendre en compte les nouveaux modes de relation entre l’administration et les usagers qui s’articulent  autour de la notion de redevabilité de l’administration envers les administrés.  Cette relation presque égalitaire rendait donc intolérable l’existence de plusieurs niveaux dans les fautes susceptibles d’être commises par les services publics. Par ailleurs, le maintien de la faute lourde aurait placé le Conseil d’Etat dans une position de dernier rempart d’une approche déjà dépassée par l’Administration lui faisant perdre sa place de défenseur des administrés contre l’arbitraire de l’Administration.

Bien que la faute lourde ait rempli sa mission dans le développement de la responsabilité administrative, aujourd’hui elle fait peu à peu place à son héritière qui est la responsabilité pour  faute simple. Notez cependant que le juge a toujours recours à la faute lourde. En effet, dans les affaires impliquant le fonctionnement du service public, par exemple, la faute lourde est la seule à pouvoir s’appliquer.